Herr Bindung

Publié le par Le Blog en Shpeel

 

Nous pouvons dire merci aux coréens ! La passion que semblent vouer à la musique classique et à sa reproduction sonore nombre de mélomanes asiatiques a crée un marché discographique, parallèle au nôtre, florissant, exploitant au mieux les archives des grands éditeurs occidentaux tels que Deutsche Grammophon, Decca, EMI ... quand celles-ci mènent une politique de réedition de leur patrimoine parfois plus timide dans l' Europe qui les a vu naître !

 

Les coréens ont ainsi eu l' idée de regrouper tous les enregistrements (hors opéra) des sixties réalisées par un certain Karajan pour le label jaune (Karajan 1960's).


Arrivant dans nos contrées, cet ensemble très bien édité nous a permi de nous replonger dans l' art de ce chef universellement connu dont la carrière post-mortem a été inversement proportionnelle en reconnaissance à sa carrière terrestre ...Le roi était mort, à bas le roi !   Réaction somme toute normale au regard de l' omniprésence de ses disques, de son image, de son nom dans le monde de ma musique (classique) occidentale, et ce pendant plus de trente ans !


Mais si l' on ne peut nier qu' il a raté des choses, que certains disques sentaient le commercial, qu' il appliqua une démarche interprétative et une image sonore ( géniale) de manière un peu systématique à tous les répertoires, que de réussites ! (et nous nous limitons ici à ce que nous avons écouté, les années 60) et un d


énominateur commun : le philharmonique de Berlin, somptueux, ample, virtuose et phonogénique avec ce son allant de pair avec une recherche constante du legato, de la fluidité caractéristiques du style Karajan (surnommé par certains Herr Bindung, Monsieur Liaison) .

Même dans les répertoires dans lesquels certains attendent sans doute un peu plus ou beaucoup  moins (Bach, Haendel, Mozart, Schubert notamment) le simple plaisir esthétique ressenti à l' audition de cette fabuleuse berline (oui, je sais...) sonore et de ses solistes hors pair nous font paraître ces critiques quelque peu déplacées.


Beethoven, et notamment ses symphonies, furent pendant longtemps associées en Europe au nom de Karajan. Mais, au  milieu des années 80, avec l' arrivée des Norrington, Harnoncourt, etc. et leur volonté de retourner aux sources sonores, esthétiques, et textuelles de l' épopée beethovénienne, on se rendit compte que Karajan (et pas mal d' autres) avait interprété le Grand Sourd dans une otique somme toute postromantique et  grandiose, l' éloignant d' une certaine Vérité (glosons sur ce mot) et rendant de fait son esthétique caduque . Admettons qu' il passe à côté de certains aspects essentiels du génie de LVB, mais encore une fois, la beauté sonore, les équilibres, la gestion impeccable des nuances et des gradations dynamiques et l' engagement qui se dégagent de ses lectures nous comblent  !

 

Et que dire des sommets : dans Richard Strauss, Sibelius, Chostakovitch (la 10 ème), Prokofiev (la 5ème), Honegger (la Liturgique), Tchaikovsky, on ne peut simplement rien souhaiter de plus en termes de puissance, de raffinement, de plénitude, d' atmosphère et même d' émotion (ce qu' on peut légitimement reprocher de manquer à Karajan par ailleurs) . Celà fait beaucoup de superlatifs, je sais, mais...


Cerise(s) sur le gâteau berlino-salzbourgeois : les pièces "légères" et les oeuvres pour cordes, sans doute le meilleur de ce que j' ai entendu dans ces disques. 

Ecoutez la cerise des cerises : L' intermezzo tiré de l' opéra "Notre-Dame" de l' autrichien Franz Schmidt, musique hollywoodienne avant l' heure, absolument envoûtante.


      

 

 

Bref, un coffret bien présenté (avec reproduction des pochettes originales), écoutable sur Musicme pour les fauchés et retraçant l' évolution commune d' un orchestre et de son chef jusqu' à leurs plein(s) épanouissement(s),  symbole(s) musical(aux) de la plus glorieuse  décennie du miracle économique allemand.

Publié dans Le Palais d' Alec

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