Jef Le Penven et le chant populaire breton (p.4)

Publié le par Anne-Marie Dumerchat-Schouten

Un éloignement en toute conscience


Jef Le Penven a cependant pris conscience d'un renouveau commeune nécessité très bien exprimée dans ses mélodies bretonnes. Me zo gannet e kreiz er mor comporte des couplets successifs au caractères libre et linéaire. Alors qu'il invite dans sa pièce l'alternance des mesures et l'emploi de formules rythmiques irrégulières si particulières à la musique bretonne, sa mélodie, écrite dans l'esprit d'une complainte bretonne annonce déjà une certaine modernité.


Les Quatre Mélodies composées en 1948, poussent plus loin encore l'écriture personnelle. Sans structure apparente, chaque pièce se déroule en un seul souffle, les couplets enchaînés nous entraînant dans une écoute continue.


Ces mélodies, qui se rapprochent encore de la complainte, explorent

tout ce que le chant populaire recèle d'exploitable : la modalité, les changements de mesures, la construction mélodique en fonction du vers ...

Pourtant, un éloignement avec le populaire se réalise lorsque l'harmonie se  rapproche des couleurs d'un Gabriel Fauré ou de l'école de la mélodie française du début  du XXème siècle.


A partir des textes contemporains de Charles Le Goffic, Anatole Le Braz ou encore Pierre-Jakez Hélias, Jef le penven, à l'instarde la mélodie française du XXè siècle, en perpétue l'esthétisme dans la cinquantaine de mélodies qu'il compose, mais avec une coloraton bretonne. Utilisant les ressources littéraires et favorisant les échanges multi-culturels, il contribue à l'élargissement du patrimoine culturel en Bretagne. Si d'autres compositeurs avant lui ont ressourcés leur musique au contact des musique populaires, Jef Le Penven s'invite à leur suite.

 

 

 

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Ces pièces méconnues, d'un style savant/populaire, méritent donc toute notre attention. A travers elles, Jef Le Penven entre dans un cadre savant. Il utilise le piano ou l'orchestre symphonique. Mais en conférant aux vieux airs bretons la nouvelle dimension artistique qu'il juge nécessaire à leur réappropriation, il continue de travailler à favoriser la redécouverte de ce patrimoine délaissé, où la place de la harpe et du hautbois résonnent, aux côtés du chant, comme autant de sonorités acquises en héritage. Les artistes en deviennent les interprètes et leurs prestations placent le chant populaire dans un cadre nouveau, celui du concert. Il acquiert un nouveau statut et se trouve, dès lors, soumis à l'écoute attentive d' un nouveau public.

 

 

 

Conclusion


Si le mouvement des Seiz Breur a provoqué une renaissance culturelle en Bretagne, celle de la musique bretonne doit certainement beaucoup à Jef le Penven et ses amis de la B.A.S. Propulsant le chant populaire sur le devant de la scène, lui donnant un nouvel éclat, il a permi à la musique populaire de regagner le cœur des Bretons durant ces années troublées de l'Occupation. Les instruments traditionnels sont peu à peu intégrés dans des formations de grande ampleur. Le compositeur est le premier à tenter ces nouvelles expériences. D'autres en tireront profit à l'instar de la jeune génération de musiciens des années 1970.


Son œuvre reste fidèle à l'esthétisme populaire et c'est avec respect et délicatesse qu'il y a placé la voix d'un peuple en pleine reconquête de son identité. Cette voix, placée au centre de l'orchestre, si remarquablement offerte, est réapparue au moment où l'on ne l'entendait plus, tel un bijou dans son écrin et brillant sous de nouveaux feux.


 

Anne-Marie Dumerchat-Schouten

 

 

 

 

 

Publié dans Invités

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